Diane Pernet

Impressionnante par son style et son apparence, mais surtout par son parcours, Diane Pernet est une sorte d’OMNI (Objet mode non identifié). Cette femme, devenue une véritable icône de mode, a en effet revêtu plusieurs casquettes, passant aisément de la création à la photographie, mais aussi du stylisme au journalisme, et dernièrement surtout, à la création d’un festival de films de mode. L’équipe de Pose Mag a eu le privilège de rencontrer celle que l’on voit désormais à tous les plus grands événements mode. Le temps d’un thé et d’une pâtisserie dans un joli café parisien, elle a accepté de poser devant notre objectif et de répondre à nos questions.

Pouvez-vous tout d’abord nous dire ce que représente pour vous la mode ?

La mode est une manière d’exprimer qui nous sommes, ou qui nous aimerions être.

Depuis combien de temps cette passion vous intéresse-t-elle ?

J’ai commencé à être intéressée par la mode très jeune. Je me vois encore toute petite emmitouflée dans ma combinaison de ski rose !

Vous avez multiplié les activités : styliste, créatrice, costumière, journaliste, photographe… Si vous deviez n’en choisir qu’une…

Celle que vous n’avez pas citée, fondatrice de mon festival consacré aux films de mode. Cela me permet de combiner les deux choses que j’adore le plus : la mode et le cinéma.

Désormais, on vous ouvre toutes les portes des défilés, évènements mode… Comment s’est construite votre légitimité en matière de mode ?

L’expérience. J’ai été styliste à New-York pendant 13 ans pour ma propre marque, Diane Pernet. J’ai été costumière sur quelques films à Paris, j’ai écrit une chronique pour Elle.com intitulée « Dr Diane » pendant presque trois ans. J’ai suivi des stylistes, des évènements et des shows pour le site de Vogue Paris pendant aussi trois ans.

J’ai également été co-rédactrice en chef du magazine ZOO pendant plus de trois ans, découvreuse de talent au festival d’Hyères pendant huit ans, et j’ai participé à beaucoup de jurys de mode.

J’ai été nommée curatrice pour différentes expos photo, cinema mais aussi art et mode. D’ailleurs, plus récemment, j’étais la curatrice du Scope Art Fair ( expo film, art et mode) à New York. La même chose pour Cine Opera, une série de films de Michael Nyman à la galerie Corso Como à Milan. Et bien sûr, le lancement de la 3ème édition de ASVOFF au Centre Pompidou  en septembre dernier.
Ma crédibilité vient donc, je suppose, de toutes ces expériences que je viens de vous citer, combinées a mon blog.

Quels sont les créateurs que vous admirez le plus ?

Boudicca, Givenchy, Rick Owens, Raf Simons, Haider Ackermann.

Comment vous est venu l’idée de créer, A shaded View on Fashion Film, un festival de film de mode ?

C’est une idée que j’ai eu il y a plus de dix ans mais à ce moment là, il n’y avait pas assez de matériau (films sur la mode) pour en faire un festival. En 2006, Eley Kishimoto m’a commandé un road movie pour lancer leur collection homme. C’était pendant le Gumball Rally, 5000 km en six jours et j’ai montré le film de 18 minutes à mes collaborateurs à cette époque à Los Angeles. Ils m’ont demandé si je voulais le projeter à Los Angeles et j’ai dit oui ! Le jour d’après EGR, mon collaborateur à Mexico m’envoyait son film que j’ai beaucoup aimé.

C’est comme ca que j’ai décidé qu’au lieu de seulement projeter mon petit film, je mettrais en place un festival de films consacrés à la mode. Ce festival commencerait à Los Angeles puis voyagerait partout dans le monde. C’était complètement dingue, tout est arrivé en moins de 3 mois et la projection a eu lieu au Cine Space sur Hollywood blvd.

C’était peut être un peu exagéré d’appeler ça un festival, c’était en fait un programme qui regroupait des court métrages et des documentaires, et qui n’a duré qu’une seule journée. En 2008, j’ai décidé d’en faire un vrai festival avec des courts et des longs métrages, des documentaires et des fictions. Le premier ASVOFF a eu lieu au Jeu de paume à Paris et a duré trois jours. Et il y a 2 ans, le festival a déménagé au Centre Pompidou

Quand aura lieu le prochain festival ? Et avez-vous déjà sélectionné le nouveau jury ?

La prochaine édition d’ASVOFF aura lieu au Centre Pompidou les 7, 8, et 9 octobre 2011. En attendant, le festival voyagera à travers le monde tout au long de l’année. Le nouveau jury n a pas encore été sélectionné mais je vais de nouveau travailler avec Elisabeth Quin qui sera membre du jury et qui aura aussi carte blanche pour organiser un atelier ou un débat de quelques heures avec des extraits de films. Je travaillerai aussi avec Michel Mallard pour sélectionner les autres invités. Tout reste encore à définir. Nous travaillons aussi actuellement avec l’artiste-réalisateur Marcus Tomlinson sur un prochain film.

Vous avez également crée un blog mode, Diane, a shaded view on fashion. L’écriture vous passionne-t-elle aussi ?

Je ne me considère pas vraiment comme une écrivain mais plutôt comme quelqu’un qui travaille sur un support actuel. J’adore interviewer les gens qui m’intéressent et j’aime aussi faire de petites vidéos de nos conversations.

Vous vivez sur Paris depuis plusieurs années maintenant. Pourquoi avoir fait ce choix de quitter New York ?

Cela fait désormais 20 ans que je vis à Paris. Je suis partie de New-York à la fin de l’année 1990 parce que c’était plutôt déprimant là bas. Je vivais dans le West Village et sans exagérer, la majorité de mon voisinage était malade ou était en train de mourir du SIDA. Les malades mentaux n’étaient plus pris en charge par les hôpitaux et étaient laissés livrés a eux-mêmes dans les rues de la ville. Le crack et autres drogues envahissaient les rues, au même titre que le crime.

J’étais styliste et je n’étais pas inspirée. Je ne pouvais pas marcher dans la rue librement. Même si jamais rien de mal ne m’est arrivé a cette époque là, quand j’ai eu fini de dessiner ma collection, je suis partie trois semaines pour me vider la tête et trouver de l’inspiration pour ma prochaine collection.

En fait je me suis rendue compte qu’il fallait que je parte. Fin 1990, j’ai donc quitté le pays. Les 3 premières années ont été très dures. C’était très difficile de laisser mon travail derrière moi. De plus, la guerre du Golfe, commencée en janvier 1991 n’a pas facilité le marché du travail. Quand je suis arrivée en France, les gens vous invitaient volontiers à dîner, mais pour vous aider à trouver un travail, c’était une autre histoire.

Mais j’ai persévéré et je suis toujours très heureuse de vivre ici. Je n’ai jamais regretté mon départ de NYC et cela ne m’a jamais manqué, même le temps d’une journée. J’adore les new-yorkais pour leur franchise et leur sens de l’humour, et heureusement, mes amis viennent me rendre visite.

Quelle est votre expression française préférée ?

Je peux vous dire celle qui m’a rendu folle pendant des années : “petit à petit, l’oiseau fait son nid” ! C’était un tel choc des cultures. Les choses mettent tellement de temps à arriver à Paris, par rapport à New-York, et les gens me répétaient donc constamment “petit à petit”.

Parlons plus concrètement de mode. Comment définiriez-vous votre style plutôt atypique ?

Pour moi, ce n’est pas atypique. C’est un uniforme que j’ai commencé à porter quand j’étais styliste  car je ne voulais pas que mon look interfère avec ce que je créais. Donc à la place de porter une blouse blanche, j’ai décidé de porter du noir. Les détails ont évolué avec le temps mais l’uniforme reste le même. Comment je le définirais… Minimaliste et austère.

Et les lunettes de soleil, c’est pour que l’on ne capte pas votre regard ?

Je suppose que les lunettes de soleil permettent d’établir une distance entre le monde extérieur et moi-même. C’est comme pour mes cheveux, cela n’encourage pas les gens à venir trop près de moi, même si je suis ouverte et qu’on peut m’aborder facilement. En fait je suis solitaire et j’ai besoin de mon espace.

Avez-vous toujours eu ce style là en particulier ?

Cela va faire plusieurs dizaines d’années que j’ai adopté ce style. Mais comme je l’ai dit plus tôt, les choses ont évolué avec le temps.

Vous arrive-t-il de porter de la couleur ?

Une des raisons pour laquelle je suis très attirée par le noir est probablement le fait que lorsque j’étais enfant, ma mère me forçait à porter des couleurs vives. Le fait est que j’aime beaucoup la couleur, mon appartement est très coloré. C’est juste que je n’aime pas la couleur pour mes vêtements, même si j’apprécie l’énergie qu’elle dégage.

A quoi ressemble une journée type de Diane Pernet ?

Je voyage beaucoup donc c’est très dur de définir une journée typique, mais je vais quand même essayer. Levée aux environs de 7h30, thé et consultation des mails pour débuter. La journée s’organise ensuite en fonction des articles à écrire, du travail à faire pour mon festival, des rendez-vous, des événements auxquels je dois assister, et de mon blog, qui me demande un travail quotidien.

Quels sont vos futurs projets professionnels ?

Ce qui m’intéresse le plus, c’est de développer mon festival de films de mode. Il y a aussi un livre et une poupée en préparation. Et enfin, il y a un projet pour la télévision (DP TV).

Enfin, quel conseil pourriez-vous donner à un jeune magazine en ligne comme Pose Mag?

Je pense que Pose Mag est déjà très bien structuré, tel qu’il l’est. Ce qui va différencier un magazine en ligne d’un autre, c’est la vision personnelle qui y est apportée, afin de créer son propre point de vue.

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